
La séparation entre l’autorité de poursuite et l’autorité de jugement est l’un des principes cardinaux du droit pénal moderne. Elle garantit un équilibre fondamental : le ministère public accuse, le juge tranche. Pourtant, certaines décisions judiciaires récentes soulèvent une question préoccupante : jusqu’où un juge peut-il aller dans la requalification des faits sans empiéter sur les prérogatives du parquet ?
Dans une affaire récente, un tribunal correctionnel a condamné un prévenu pour une infraction qui n’avait pas été retenue dans l’acte de poursuite du ministère public. Une telle démarche interpelle, car elle semble transformer la requalification en un moyen d’élargir unilatéralement les charges pesant sur un accusé. Or, un juge n’a pas vocation à se substituer au parquet en s’auto-saisissant de faits nouveaux.
Une limite impérative : juger, mais ne pas poursuivre
Le principe de séparation des pouvoirs veut que le juge applique la loi aux faits qui lui sont soumis, mais ne crée pas lui-même l’accusation. La requalification ne peut être un prétexte pour introduire des éléments qui ne figuraient pas dans l’acte initial du ministère public. Lorsqu’un tribunal retient une infraction non poursuivie par le parquet, il franchit une limite dangereuse : il ne juge plus, il accuse.
Ce glissement est problématique, car il fragilise les droits de la défense et porte atteinte au principe du contradictoire. Un accusé doit savoir précisément de quoi il est poursuivi afin de se défendre efficacement. Modifier en cours d’audience les charges retenues contre lui revient à bouleverser cet équilibre et à faire du juge un acteur à la fois accusateur et arbitre.
En matière pénale, la clarté de l’accusation est une garantie essentielle. Un juge peut requalifier, mais toujours dans le cadre des faits initialement poursuivis. Si une nouvelle qualification implique des éléments distincts de ceux retenus par le ministère public, elle relève d’une nouvelle poursuite et non d’une simple interprétation juridique.
Ainsi, loin d’être une simple question technique, le respect de la frontière entre poursuite et jugement est un enjeu fondamental pour l’équité du procès pénal. À vouloir trop élargir leur marge d’appréciation, certains juges risquent d’affaiblir les principes mêmes qui fondent la justice.
Je vous présente deux articles traitant de la preuve et de l’indemnisation du préjudice en matière de transport terrestre de marchandises, conformément aux dispositions du droit OHADA.
Article 1 : La Preuve du Préjudice en Matière de Transport Terrestre de Marchandises
Résumé
Dans le cadre du transport terrestre de marchandises, l’établissement de la preuve du préjudice subi est essentiel pour engager la responsabilité du transporteur. Le droit OHADA impose des obligations spécifiques en matière de preuve, notamment en ce qui concerne les réserves lors de la livraison et les moyens admissibles pour démontrer l’existence et l’étendue du dommage. Cet article examine les exigences probatoires, les moyens de preuve reconnus et les défis auxquels sont confrontées les parties prenantes dans ce contexte.
I. L’Obligation de Résultat du Transporteur et l’Exigence de Preuve du Dommage
Selon l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route, le transporteur est tenu d’une obligation de résultat, ce qui signifie qu’il doit livrer la marchandise dans l’état où elle a été prise en charge . En cas de perte ou d’avarie, l’ayant droit doit prouver : 
• L’existence du dommage : démontrer qu’une perte, une avarie ou un retard a affecté la marchandise.
• L’imputabilité au transporteur : prouver que le dommage est survenu pendant la période de responsabilité du transporteur.
• L’étendue du préjudice : quantifier la dépréciation ou la perte financière résultant du dommage.
L’article 14 de l’Acte uniforme stipule que le destinataire doit notifier par écrit toute perte ou avarie :
• Immédiatement lors de la livraison, pour les dommages apparents.
• Dans un délai de sept jours, pour les dommages non apparents . 
À défaut de telles réserves, la marchandise est présumée avoir été livrée en bon état.
II. Les Moyens de Preuve Admissibles
Plusieurs moyens de preuve sont reconnus pour établir le préjudice :
1. Constatations à la livraison : les réserves inscrites sur la lettre de voiture ou tout autre document de transport doivent être précises et détaillées .
2. Constats d’huissier : un huissier peut être mandaté pour constater l’état des marchandises à l’arrivée.
3. Expertises techniques : des experts peuvent être sollicités pour évaluer la nature et l’ampleur du dommage.
4. Documents commerciaux : factures, bons de commande et autres documents peuvent aider à établir la valeur initiale et la perte subie.
5. Témoignages : les déclarations de personnes présentes lors de la livraison peuvent corroborer les autres preuves.
III. Défis dans l’Administration de la Preuve
L’absence de réserves formulées conformément aux dispositions légales peut entraîner la présomption que la marchandise a été livrée en bon état, compliquant ainsi toute réclamation ultérieure . De plus, le transporteur peut s’exonérer de sa responsabilité en prouvant que le dommage résulte d’une cause étrangère qui ne lui est pas imputable. 
Conclusion
La rigueur dans l’établissement de la preuve du préjudice est cruciale en matière de transport terrestre de marchandises. Les parties doivent être diligentes lors de la réception des marchandises et veiller à documenter toute anomalie conformément aux exigences légales pour préserver leurs droits à indemnisation.
Article 2 : L’Indemnisation du Préjudice en Matière de Transport Terrestre de Marchandises
Résumé
L’indemnisation des dommages subis lors du transport terrestre de marchandises est encadrée par des dispositions spécifiques du droit OHADA. Ces dispositions définissent les modalités de calcul des indemnités, les plafonds applicables et les types de préjudices réparables. Cet article analyse les mécanismes d’évaluation des dommages, les limitations légales de l’indemnisation et les possibilités de dérogation contractuelle.
I. Calcul de l’Indemnité pour Perte ou Avarie
L’article 18 de l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route prévoit que l’indemnité pour perte ou avarie est calculée en fonction de la valeur de la marchandise, sans excéder 5 000 FCFA par kilogramme de poids brut de la marchandise . Ce plafond vise à protéger le transporteur contre des réclamations disproportionnées. 
La valeur de la marchandise est déterminée en référence à :
• Le prix courant sur le marché au moment et au lieu de la prise en charge.
• La valeur usuelle des marchandises de même nature et qualité .
II. Indemnisation en Cas de Retard
En cas de retard dans la livraison, si le demandeur prouve que le retard lui a causé un préjudice, l’indemnité due ne peut dépasser le montant du prix du transport . Cette disposition limite la responsabilité du transporteur en matière de retard.
III. Exclusions et Limites de l’Indemnisation
L’article 19 de l’Acte uniforme exclut l’indemnisation de certains types de préjudices, notamment :
• Le manque à gagner.
• Les dommages indirects
L’Indemnisation Automatique du Passager Aérien en Cas de Refus ou de Retard d’Embarquement dans l’UEMOA
Dans l’espace UEMOA, les droits des passagers aériens sont protégés par un cadre juridique qui impose une indemnisation automatique en cas de refus d’embarquement ou de retard important d’un vol. Le Règlement n°03/2003/CM/UEMOA du 20 mars 2003 fixe ainsi des obligations strictes aux compagnies aériennes et garantit une compensation immédiate aux voyageurs affectés.
Cet article se concentre exclusivement sur les conditions et modalités de cette indemnisation automatique, sans aborder les éventuels cas d’exclusion de responsabilité des compagnies.
- L’Indemnisation Automatique en Cas de Refus d’Embarquement
Le refus d’embarquement se produit lorsqu’un passager, muni d’un billet valide et d’une réservation confirmée, se voit empêché de monter à bord du vol prévu. Cette situation découle généralement d’une surréservation (overbooking), mais peut aussi résulter de décisions unilatérales de la compagnie aérienne.
1.1. Obligations de la Compagnie Aérienne
Lorsqu’une compagnie anticipe un refus d’embarquement, elle doit :
• Rechercher des volontaires prêts à céder leur place en échange de compensations.
• Informer immédiatement les passagers concernés de leurs droits et des mesures prévues.
• Appliquer des critères objectifs et transparents pour déterminer les passagers affectés.
1.2. Indemnisation Financière Automatique
Si un passager est refusé à l’embarquement sans justification légitime, il a droit à une compensation immédiate, dont le montant varie selon la distance du vol :
• 100 000 FCFA pour un vol de moins de 2 500 km.
• 400 000 FCFA pour un vol de plus de 2 500 km.
Cette somme doit être versée sans délai, par :
• Espèces,
• Virement bancaire,
• Bon de voyage, uniquement si le passager accepte cette alternative.
1.3. Remboursement ou Réacheminement
Le passager refusé à l’embarquement peut également choisir entre :
• Le remboursement intégral du billet, sans frais ni pénalités.
• Un réacheminement vers sa destination finale, dans les meilleurs délais ou à une date ultérieure de son choix.
1.4. Prise en Charge Obligatoire
Si le passager doit attendre un vol de remplacement, la compagnie est tenue de lui offrir :
• Des repas et des rafraîchissements gratuits.
• Deux communications gratuites (téléphone, fax, e-mail).
• Un hébergement et un transport si le vol de substitution est prévu le lendemain.
- L’Indemnisation Automatique en Cas de Retard d’Embarquement
Un retard d’embarquement se produit lorsque le vol ne part pas à l’heure prévue en raison d’un problème technique, logistique ou opérationnel.
2.1. Seuils de Retard et Droits des Passagers
Le Règlement UEMOA définit des paliers d’indemnisation en fonction de la durée du retard :
• Moins de 2 heures : Aucune compensation immédiate.
• Entre 2 et 4 heures (vol court) ou 2 et 5 heures (vol long) :
• Droit à des repas et boissons gratuits.
• Possibilité d’obtenir un vol alternatif ou un remboursement partiel.
• Au-delà de 5 heures :
• Droit au remboursement intégral du billet si le passager choisit d’annuler son voyage.
• Réacheminement vers la destination finale sans frais.
• Hébergement et transport pris en charge si le vol est reporté au lendemain.
2.2. Compensation Financière pour Retard Important
Si un vol est retardé de plus de 5 heures, le passager peut réclamer :
• Une indemnisation identique à celle prévue pour un refus d’embarquement (100 000 FCFA ou 400 000 FCFA selon la distance).
• Une prise en charge complète, incluant hébergement et restauration.
- L’Application Effective de l’Indemnisation Automatique
3.1. Procédure d’Indemnisation
L’indemnisation doit être automatique et immédiate, sans que le passager ait à entreprendre de démarches complexes. Toutefois, si la compagnie aérienne tarde à indemniser, il est conseillé d’adresser une réclamation écrite, en joignant :
• Le billet et la carte d’embarquement.
• Une attestation du retard ou du refus d’embarquement.
• Les justificatifs des frais engagés (hébergement, repas, transport…).
3.2. Recours en Cas de Non-Paiement
Si la compagnie refuse d’indemniser le passager, ce dernier peut saisir :
• L’Autorité de l’Aviation Civile de son pays.
• Une association de défense des consommateurs spécialisée en transport aérien.
• Les juridictions compétentes pour exiger une compensation.
Le Règlement UEMOA n°03/2003/CM/UEMOA impose une indemnisation automatique, et toute tentative de la part des compagnies aériennes de retarder ou d’éviter le paiement constitue une violation manifeste de leurs obligations.
Conclusion : Un Dispositif Protecteur, Mais Une Mise en Œuvre à Améliorer
L’indemnisation automatique des passagers en cas de refus ou de retard d’embarquement constitue une avancée majeure dans l’espace UEMOA. Elle vise à garantir une réparation immédiate des préjudices subis par les passagers sans nécessiter de longues procédures.
Cependant, plusieurs défis demeurent :
• Le manque d’information des passagers sur leurs droits.
• L’absence de sanctions strictes contre les compagnies qui ne respectent pas les règles.
• La difficulté d’obtenir une indemnisation rapide, en raison de pratiques dilatoires de certaines compagnies.
Un renforcement des mécanismes de contrôle et l’application de sanctions dissuasives permettraient de garantir une mise en œuvre plus efficace de ces règles et d’éviter les abus des compagnies aériennes.
Timothée Yabit
Avocat